Entretien avec Augustin STRODIJK: de l’horticulture à la savonnerie familiale.

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La force de Martin de Candre semble tenir en partie à son caractère familial. Depuis trois générations, la savonnerie MdC perpétue un savoir-faire unique en matière de saponification à l’ancienne. Augustin STRODIJK, petit-fils de la fondatrice, nous partage son itinéraire professionnel puis son arrivée au sein de l’entreprise familiale en 2016. Il nous livre également ses souvenirs d’enfance dans l’atelier Martin de Candre, sa vision d’une entreprise artisanale durable et quelques conseils clés pour perpétuer sereinement un business en famille.

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1/Augustin, peux-tu nous parler de ton parcours ?

Mes premiers pas en tant qu’étudiant puis jeune professionnel se sont déroulés dans la filière végétale en Anjou, premier département horticole français. La filière végétale angevine affiche une longue tradition de savoir-faire horticole dans les semences potagères et florales, les plantes médicinales, les pépinières ornementales et fruitières… Ma formation et mes différentes expériences ont été dans la production horticole puis l’expérimentation horticole avec, pour spécialité, la protection des plantes et des cultures par l’aide des insectes et des produits naturels. Parallèlement à mes premières missions en tant que jeune pro à Angers, j’ai travaillé sur les terres agricoles de Mestré, domaine agricole historique dans lequel la savonnerie a vu le jour. Sans pour autant me projeter dans l’entreprise familiale, j’ai intégré Martin de Çandre en 2016 en tant qu’agent de maîtrise. Quelques années plus tard, en 2020, je suis devenu co-gérant de la savonnerie aux côtés de ma mère, Hélène STRODIJK. Ma mission initiale dans l’entreprise était notre implantation sur la commune de Turquant où nous avons l’atelier produisant le savon à raser, produit phare de la savonnerie.

2/ Qu’est-ce que ta formation t’a apporté dans le monde horticole par rapport à la gestion de la savonnerie ?

L’apport majeur a été la logique de production avec la gestion des matières premières. Il y a aussi la saisonnalité dans le travail et puis le fait de travailler des produits issus des plantes. En passant de l’horticulture aux cosmétiques naturels, je ne m’éloigne finalement pas tant que cela de la filière végétale puisque les matières premières que l’on travaille sont directement tirées de ces plantes que jadis je devais produire en pépinière.

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3/ Quel est le plus vieux souvenir que tu as de la savonnerie lorsque tu étais enfant ?

J’ai une multitude de souvenirs en tête ! Parmi eux, je me souviens du premier atelier où travaillait notre grand-mère, situé dans la grange aux dîmes de Mestré. A l’époque, notre artisanat avait des moyens très limités, l’équipement était rudimentaire (je revois encore Granée faire la vaisselle dans une baignoire), et il ne payait même pas un salaire pour mes grands-parents. Il y avait beaucoup de manipulations très physiques qui sont aujourd’hui facilitées par les moyens modernes. Par exemple, les fûts d’huiles de 200kg étaient déchargés à la main des camions puis roulés sur les pavages de la voie romaine à la force des bras avant d’être stockés sous la grange, près de l’atelier. Pour fabriquer le savon, il fallait être deux personnes puisque la cuve de 90 kg était vidée à la main une fois la saponification achevée. Tous les blocs de savons étaient épluchés à l’économe pour pouvoir être ensuite placés dans la presse qui les façonne. Le travail était énorme avant d’aboutir au produit fini d’autant plus que mes grands-parents étaient seuls ! Un autre souvenir qui a marqué mon enfance est celui du raclement et des entrechoques des spatules en inox manipulés par Granée devant son pétrin alors qu’elle fabriquait son savon. L’odeur caramélisée du baume du Pérou, aujourd’hui quasiment disparu du marché à notre grand regret, est aussi une vraie Madeleine de Proust pour moi !

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4/ Travailler dans l’entreprise familiale était-ce une évidence dès le départ ou une révélation sur le tard ?

Pour ma part, cela a été une révélation sur le tard ! J’ai commencé par un temps partiel à la savonnerie pour voir s’il y avait une compatibilité entre la mission confiée et mes compétences personnelles. De fil en aiguille, j’ai pris confiance et goût au travail soigné de la maison. A notre échelle, nous cultivons encore une polyvalence très fournie: tantôt nous devons être chef de projet, tantôt producteur, administrateur… Nous n’avons pas un découpage aussi précis que dans les grands groupes. De fait, de par cette diversité et l’autonomie requise pour intégrer notre artisanat, je me suis de plus en plus projeté sur le long terme. De plus, j’apprécie et je suis reconnaissant de la marge de manoeuvre très large que ma mère me donne depuis mon arrivée. Sa confiance m’a permis une grande liberté d’action dans la création et le développement de notre nouvel espace de travail à Turquant. Avec bientôt 50 ans d’existence, la savonnerie est à un tournant de son histoire et de son développement: de nouveaux besoins, modes de fonctionnement et challenges s’imposent à elle. Je suis heureux de participer à la réflexion et à la mise en oeuvre de ce renouveau dans son fonctionnement et ses perspectives d’avenir !

5/ Les valeurs d’une entreprise artisanale et familiale sont-elles compatibles avec un monde en perpétuel mouvement ?

Oui, parce qu’à notre petite échelle, l’adaptation est plus souple que pour des structures importantes où lorsqu’un changement est nécessaire, on a beaucoup plus d’habitudes et d’outils à déranger ! Notre entreprise est ouverte et sensible à l’évolution des process et des besoins: nous veillons à créer un trait d’union équilibré entre qui nous sommes et l’époque actuelle dans laquelle nous vivons avec toutes les conditions et exigences qu’elle impose. Cependant, la conjoncture mondiale nous fait comprendre de manière criante que l’on ne peut plus avoir accès à tout en un seul clic au risque de nuire gravement à l’environnement ou encore aux conditions de travail respectueuses de l’homme etc. Les problèmes dont souffre notre planète nous imposent un bon sens et une connexion à notre environnement que les générations d’avant ou encore la mondialisation nous ont fait oublier… De fait, il faut accepter que pour réaliser les choses dont nous avons besoin de façon consciencieuse, il faut prendre plus de temps. Pour survivre, notre monde moderne a besoin d’entreprises avec des valeurs humaines, éthiques, responsables. Martin de Candre fait partie de ces entreprises dont l’esprit et le savoir-faire s’inscrivent dans une logique saine et réfléchie, tournée vers l’avenir.

6/ Quelle valeur Martin de Candre souhaiterais-tu perpétuer et quelle nouveauté souhaiterais-tu insuffler à l’entreprise ?

La qualité des produits et l’esprit familial font partie des fondamentaux Martin de Candre à poursuivre. J’aimerais aussi que Martin de Candre soit davantage ancré dans le paysage local et rural du Val de Loire. Souvent, je me rends compte que nous sommes inconnus de nos voisins. Avant de chercher à être forcément connus sur le plan national puis international il est important de développer une présence locale car le développement durable passe également par là ! Mon autre souhait concerne la fluidité dans notre production afin d’apporter l’ergonomie nécessaire à l’équipe concernée. La création d’outils et d’espaces de travail fonctionnels et performants est au coeur de mes problématiques. L’idée est d’accompagner le travail artisanal de solutions techniques ingénieuses qui participent à la qualité du travail et du produit sans surcharge sur le plan physique ou psychologique.

7/ Comment vois-tu le travail en famille ?

Augustin-saponifiant-un-savon-a-raser-selon-la-methode-traditionnelle-de-l'empatage-a-chaud.jpgTravailler en famille a cet avantage d’enseigner les besoins humains au travail. Comme nous sommes plongés dans ce quotidien entre famille et travail, nous sommes très compréhensifs dans les besoins familiaux que peut avoir l’équipe de salariés en place et donc adapter les horaires et disponibilités par rapport à ces problématiques.

8/ Quelle vision as-tu de l’entreprise MdC sur le long terme ?

Une entreprise avec toujours cette authenticité et qualité reconnue, un ancrage local important et un rayonnement à l’international ambitieux. La richesse d’une entreprise, ce sont ses hommes et son empreinte sociale ! Je souhaiterais également que Martin de Candre puisse améliorer de plus en plus son impact social et environnemental avec la promotion d’actions qui permettent la transition écologique dont nous avons besoin. Ces démarches durables innovantes dans nos produits et services sont en cohérence avec les valeurs fortes de notre savonnerie.

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9/ Quels conseils donnerais-tu à des jeunes qui veulent reprendre une entreprise familiale ?

En premier lieu, je dirais avoir un intérêt profond envers l’entreprise et se sentir en accord avec son ADN ! Il est important de préserver les valeurs de l’affaire familiale tout en s’adaptant au marché actuel car l’innovation est indispensable à la survie d’une entreprise. Je trouve également judicieux de pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs externes qui nous aident à prendre du recul avec des conseils objectifs. D’autre part, je trouve bénéfique d’avoir eu de l’expérience extérieure pour gagner en qualité de management et leadership. Un dernier point essentiel: entre les différents membres de la famille, il est vital de communiquer avec transparence et de savoir s’écouter pour atteindre des objectifs communs. De par sa singularité, l’entreprise familiale est dotée de forces uniques ! Le tout est de veiller au partage de valeurs communes, de modes de fonctionnement explicites et réciproques.

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